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Loyer binaire et révision judiciaire : une compétence confirmée du juge des loyers commerciaux

Affaires - Affaires
24/04/2025

Dans les baux commerciaux, il est fréquent que le loyer soit composé de deux éléments : un loyer minimum garanti et un loyer variable indexé sur le chiffre d'affaires. Ce système, dit du loyer binaire, permet d’ajuster les loyers en fonction de l’activité du locataire. Toutefois, la question de la révision judiciaire du loyer minimum garanti soulève régulièrement des débats, notamment quant à la compétence du juge des loyers commerciaux.

La jurisprudence récente du tribunal judiciaire de Paris a tranché en faveur de la compétence du juge pour fixer le loyer révisé, même en présence d’un loyer binaire. Le litige portait sur un bail prévoyant un loyer minimum et un complément de 6 % du chiffre d’affaires. Le locataire, souhaitant réviser le loyer, a saisi le juge, ce que le bailleur contestait en s’appuyant sur la spécificité du loyer binaire.

Le tribunal a rejeté cet argument en se fondant sur plusieurs clauses contractuelles. L’une d’elles mentionnait expressément que, malgré l’indexation, les parties pouvaient demander la révision du loyer selon les articles L 145-37 et L 145-38 du Code de commerce. Une autre clause précisait que le loyer minimum garanti serait fixé judiciairement en cas de désaccord lors du renouvellement. Le juge a ainsi conclu que les parties avaient clairement manifesté leur volonté de se soumettre aux dispositions légales.

Cette décision s’inscrit dans l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation. Alors qu’elle excluait initialement toute intervention judiciaire pour fixer un loyer binaire (arrêt « Théâtre Saint-Georges », 1993), elle reconnaît depuis 2016 que les parties peuvent confier cette fixation au juge, à condition que leur volonté soit exprimée dans le contrat. En 2024, elle va plus loin : même sans clause expresse, la juridiction peut rechercher une volonté contraire dans le contrat ou dans d'autres éléments extrinsèques.

Le tribunal judiciaire de Paris applique cette solution non plus au seul renouvellement du bail, mais aussi à sa révision en cours d’exécution, une précision importante, en l’absence de position claire de la Cour de cassation sur ce point.

Prudence contractuelle recommandée : les praticiens sont invités à accorder une attention particulière à la rédaction des clauses relatives à la révision et au renouvellement, surtout lorsqu’un loyer binaire est instauré par avenant. Il convient d’exprimer sans ambiguïté la volonté d’accepter – ou non – une fixation judiciaire du loyer minimum garanti, pour prévenir tout contentieux.